Le discours de la méthode d’un cancre – 01 - Avant de pouvoir réfléchir.
Le discours de la méthode d’un cancre est une série d’essais et d’hypothèses qui gravitent autour de l’Homme et de la société en général. Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas lu, vous trouverez ici l’avant-propos qui explique le cœur de la démarche qui vise à donner un point de vue personnel sur les processus mentaux qui m’ont amené à imaginer ces petites hypothèses. Si vous l’avez déjà lu, je vous propose de rentrer directement dans le vif du sujet de ce 1er épisode :)
Me voilà donc, dans l’ancienne chambre de mon grand-père, devant une table basse, un carnet tout beau tout neuf ouvert, une tasse de thé fumante, un soleil illuminant mon set-up, un stylo 0.05 à la main, bref une image digne d’Instagram. Excité par une aventure qui semble ne jamais s’arrêter, je me retrouve face à cette page blanche quand soudain, déboule dans mon esprit la pensée de ma vie d’avant. *»Il faudrait que je finisse de regarder le dernier épisode de Heroes»*. Pour information, nous sommes en 2009. J’ai eu la malchance d’hériter d’un esprit qui a du mal à se concentrer et j’ai toujours tendance à me laisser happer par la moindre distraction. D’ailleurs, cela risque de se faire sentir dans le style d’écriture mais promis je vais essayer de me canaliser. Mais il fallait que je me force ! Il fallait que je me reconcentre sur ce carnet ! Il fallait que je commence ne serait-ce que pendant 5 minutes à écrire, ne serait-ce que 5 mots et ensuite ! Et seulement ensuite ! Je pourrais finir mon épisode de série.
Mais pour que ces 5 mots puissent s’engager dans une course, il fallait leur trouver une ligne de départ. Je me suis donc dit que toute réflexion aussi simple soit-elle devait commencer par une problématique. « Comment la télévision fonctionne-t-elle ? », « Qui es-tu ? », *« Pourquoi nous retrouvons-nous dans cette situation ? « «Qu’est-ce qu’il pourrait arriver à Iro Nakamura ?» «Comment faire pour changer ce tissu mural vieux de plus de 60 ans ?» Nous devons toujours commencer par nous poser cette fameuse première question. Je m’étais engagé dans un exercice qui devait être concentré sur l’humain. Le premier réflexe serait peut-être de directement se demander « comment fonctionnerait l’humain ? ». En science, on nous apprend toujours une règle de base : éviter toutes problématiques trop généralistes et je pense que le corpus de penseurs qui ont émis cette règle pensaient spécifiquement à “comment fonctionnerait l’humain ?”.
Introduire avec cette question risquerait de transformer cette série d’essais en un enchaînement brouillon, interminable et vous risqueriez de passer un moment peu agréable. Et puis de toutes façons, ce projet serait trop ambitieux. Essayons de resserrer un peu. «Comment fonctionnerait notre cerveau donc ?» Cela me semble encore plus complexe et de vrais scientifiques qui font des expériences super importantes dans de super laboratoires avec de super machines seraient plus à même de répondre à cette question. J’aimerais, si possible, commencer par une idée simple et accessible pour la développer ensuite. Après tout, l’idée de départ était de partir des outils que sont l’observation et la déduction et éventuellement les compléter par des recherches bibliographiques, et non l’inverse.
Bon, je crois en l’evolution, la premiere reflexion était donc de se dire que finalement, nous sommes fait de biologie et je ne vois pas pourquoi on repondrait à des principes différents de la nature. Lorsqu’on parle de cellule, on differencie souvent 3 partis : Le milieu externe, le milieu interne et l’interface qui permet de faire passer des informations entre les deux milieux. En sciences cognitives, on pourrait remplacer ces 3 éléments par l’environnement, l’organisme dont le cerveau fait partie et le corps qui prendrait la fonction d’interface. (schéma 1.1)
Bien que ce schéma nous sera utile, il représente le dernier artefact de mes cours de biologie cellulaire de l’université. Continuer mon argumentaire la dessus risque d’être compliqué. Je me devais de trouver un autre point de départ. Pourquoi ne pas partir de notre vie de tous les jours. Voici la question qui m’a semblé accessible à l’époque et qui m’a permis de mettre le pied à l’étrier : À quoi semble nous servir notre cerveau à travers nos journées ? Qu’est-ce que nous faisons avec ? Concrètement ?
Nos journées semblent se résumer à regarder, marcher, discuter, taper sur un écran ou un clavier, boire, écrire, dire bonjour, descendre des escaliers, couper des légumes, mordre dans un hamburger, écouter de la musique, bouger la tête sur le rythme, etc. Elles semblent être chargées de différentes formes d’actions déclenchées par différentes types de perceptions. Si on prend un pas de recul, au final, tout ce que nous faisons possède ces deux dimensions : perception et action. Même nos réflexions et pensées semblent être destinées à être matérialisées par des actions dans un environnement, que ce soit dans l’instant, dans le futur ou dans le «jamais». Je pense à ce que j’aurais pu faire, à ce que j’aurais dû faire, à ce que Sylar va faire dans le prochain épisode, à ce que je ne peux pas faire ou à ce que je pourrais voir ou boire. Il semblerait que la matière entre nos deux oreilles nous serve à percevoir le monde pour agir sur ce dernier (schéma 1.2). Cette règle de base s’appliquerait d’ailleurs à tout cerveau, qu’il soit simple ou complexe, de l’aplasie au chimpanzé.
Alors une autre question a émergé dans ma tête. « Dites madame (ou monsieur), et si notre cerveau s’éteint ? Est-ce que l’on meurt ? » Une petite recherche croisée sur Wikipédia et surtout un appel à un oncle neurochirurgien m’a apporté rapidement une réponse. Et bien, figurez-vous que la mort cérébrale, l’état d’absence totale et définitive d’activité cérébrale chez un patient, correspond aujourd’hui au stade médical de la mort. Du point de vue de la médecine, le cerveau semble donc être l’organe vital par excellence, passant avant le cœur et les autres organes. Pourrait-on donc en déduire que la vie se résumerait à la perception d’un monde et à son interaction avec ce dernier ? Malgré le côté philosophique de cette question réponse, elle me guide vers une autre problématique qui au final me guidera vers une autre solution qui aboutira surement sur un autre problème et ainsi de suite jusqu’à la fin. Gardez ce phénomène en tête, nous en reparlerons plus tard. #spoileralert.
Ce nouveau problème est lié au concept de perception seul. La réalité est que nous évoluons dans un océan infini de données continues. Par données, nous entendons des stimuli, des sons, de la lumière, des goûts, des odeurs, des pressions, etc. Essayez un jour de compter le nombre de “choses” que vous devez traiter lorsque vous lisez ces mots. Allez au-delà des caractères écrits, regardez autour de vous, observez les nuances de couleurs ou de luminosité, écoutez le bruit de fond ou la musique qui passe, sentez le battement de votre cœur, quelle sensation a le tissu sur votre peau, etc. ? Il y a de grandes chances que l‘exercice s’arrête après 1 seconde devant cette liste interminable. Il est donc impossible d’être conscient de l’intégralité des stimuli qui rentrent dans nos têtes auquel cas on deviendrait presque non fonctionnel. C’est un peu comme si nous étions attaqué par des milliards d’informations et qu’on surchargeait le système. (Schéma 1.3) Ce qui nous amène encore à d’autres questions comme « que deviennent les données qui passent « outre » ? Est-ce qu’elles rentrent quand même ? Est-ce qu’elles disparaissent ? On abordera tous ces sujets plus tard. #secondspoileralert
Mais faisons un exercice et prenons un exemple dans lequel nous aurions conscience de chaque stimulus et voyons ce que cela pourrait donner dans une situation réelle. Projetez-vous dans une scène dans laquelle vous voyez un lion qui court vers vous. C’est bien sûr le type de circonstance qui pourrait impacter votre vie dans un futur de plus en plus proche. Vous ne pouvez donc pas vous permettre de vous asseoir par terre et de vous dire « hmmmmm, donc, il y a un lion qui arrive vers moi, mais il y a aussi cet arbre magnifique derrière et ce serpent ! Quel magnifique serpent, quelle est cette odeur bizarre ? Le jaune de la savane est vraiment magnifique, l’arbre au fond est majestueux ! La savane est vraiment quelque chose d’extraordinaire. Ah oui, le lion ? » Nous sommes des organismes vivants, et par conséquent nous devons répondre à des principes universels. Le maintien d’un fonctionnement effectif à travers le temps en fait partie. Oui oui, je parle de notre capacité à survivre dans une société sauvagement civili…. Le problème n’est donc pas de traiter chacune des informations qui entrent dans le système, mais de les filtrer, les sélectionner et les spécifier pour les rapidement les percevoir et agir en conséquence. (Schéma 1.4) Le problème serait en fait de prendre une décision en quasi temps réel au risque d’y perdre la vie. Par décision, j’entends juste « faire quelque chose » réduisant ce complexe concept à sa forme la plus simple : une simple action. Et oui, c’est là que l’expression “bouger ses fesses” prend tous son sens.
Ce n’est donc pas la notion de percevoir, ni celle d’agir qui est le problème, c’est en fait la variable quasi temps réel qui rend l’équation compliquée à résoudre et donne le coté “magique” de la cognition. C’est pour cela que je l’ai mise en gras d’ailleurs. C’est ici que j’aurais bien aimé être mathématicien et vous sortir toute une succession de symboles incompréhensibles en vous disant « vous voyez ? C’est cela qu’il faudra équilibrer ou déséquilibrer. ». Mais travaillons avec les outils à disposition et pour le moment, ce sont des mots et des gribouillis.
C’est donc ici que s’est dévoilée ma vraie première question : « Comment est-ce que notre cerveau est-il capable de traiter autant d’informations et de prendre des décisions en quasi-temps réel ?». Comme d’hab, d’autres questions ont suivi comme “Cela voudrait-il dire qu’on ne percevrait qu’une partie des stimuli traités par notre cerveau ? Si c’est le cas de combien ? Si je ne perçois qu’une petite partie des choses ? Cela voudrait-il dire que je suis en fait au courant de pas grand chose de ce qui se passe ? Suis je tous le temps à coté de la plaque ?”
Il est tard, je risque de perdre mon fil conducteur et de vous perdre en plus. Je vous propose qu’on reprenne tous cela à tête reposé lors du prochain numéro.
Guillaume D.