Informations, organisations & design de process

Guillaume Dechambenoit
9 min readAug 18, 2022

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Le design organisationnel ou architecture d’organisation est un domaine qui vise à structurer et articuler les différentes dimensions des entreprises pour leur permettre un développement éthique, moral et économique sain et performant.

Ce travail nous demande d’abord de définir ce qu’est une organisation puis de développer des clés et des méthodes pour faire ce travail d’architecture. Ici nous parlerons d’une étude clé : le design de process.

L’INFORMATION AU COEUR DES ORGANISATIONS.

Si l’on garde une approche biomimétique alors les organisations seraient des formes d’organismes vivants qui répondent aux mêmes lois de la nature. L’une d’entre elles est de structurer un développement à travers des échanges d’information (1)

1. Le parcours d’une information au sein des organismes

On pourrait définir une information comme une forme, ou une combinaison de formes cryptées, qui voyageraient d’une structure vers une autre dans laquelle elle serait traitée, transformée, stockée pour être ensuite transférée vers d’autres structures.

Une information serait donc une forme qui se déplace d’un point A vers un point B à travers un environnement partagé.

Pour pouvoir être externalisée et réceptionnée par une autre, l’information doit être cryptée. Il est donc nécessaire pour les 2 entités d’avoir les mécanismes nécessaires à son encodage puis à son décodage. L’information doit pouvoir être lue, décoder ou comprise pour qu’elle puisse être traitée. C’est ici que les notions de langages et de codes entrent en compte.

En ce qui concerne la nature de ces formes. Elles dépendraient du système ciblé : elle pourrait-être électrique comme dans le cerveau, des données dans l’informatique, des protéines dans les cellules, des graphèmes ou des phonèmes dans la linguistique. Dans les organisations, les informations prennent la forme de documents, de données, de signalements, de conversations, de présentation, etc.

En ce qui concerne son rôle. L’information permettrait la coordination des actions entre deux ou plusieurs unités vers un objectif commun. Au cœur d’une dynamique d’un collectif, d’un couple, d’une famille, d’une équipe, d’une direction, l’information pourrait donc être définie comme l’unité de base des intelligences collectives.

LE DESIGN DE PROCESS AU COEUR DE L’ARCHITECTURE D’ORGANISATION

Une entreprise est une organisation qui n’est jamais centrée sur l’humain. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’acteur principal d’une organisation est l’information. L’analyse des parcours de l’information et des différentes actions impliquées dans ses transformations serait donc au cœur de la sociologie de l’organisation, et non l’inverse.

Ce type d’étude est au cœur du “design de process” ou Business Process Management : la cartographie des actions nécessaires à une société pour qu’elle puisse répondre à sa fonction et se développer de façon vertueuse. Ces process s’articulent autour de deux points majeurs.

2. Cartographie de process
  • Au mêmAu même titre qu’un plan d’architecte ou d’une map monde, une cartographie des process est avant tout un objet graphique et interactif (2). Son objectif est de traduire visuellement le parcours de l’information au sein de l’organisation. Globalement, cela ressemble à une grande carte avec plein de formes géométriques connectées entre elles.
  • Une chaine d’actions est similaire à une suite d’expériences : elles s’améliorent avec le temps. Une carte de process est donc dynamique, elle évolue. la carte des process 2021 est souvent différente de celle de 2022 ou de 2023, car elle changera en fonction des réglementations, des shifts économiques et sociaux, du turn-over, etc. En aucun cas, elle ne devra être vue comme un outil statique.

C’est un exercice clé dans toute action de création ou de transformation d’organisation, et elle répond aussi à son propre process. Il pourrait être décrit de la façon suivante.

1. L’ARCHITECTURE FONCTIONNELLE

La première étape vise à cartographier et connecter les différents grands corps nécessaires pour traiter l’information. C’est ce qu’on appelle l’architecture fonctionnelle de l’organisation. On y retrouve souvent les corps classique de type fonction juridique, fonction commercialisation, fonction administrative, etc. et les corps plus spécifiques aux métiers.

3. Architecture fonctionnelle

2. LE TRAITEMENT DES INFORMATIONS

Une fois ces grands corps et leurs logiques définis, on pourrait définir et cartographier chacune des actions de façon plus ou moins précise. Chaque tâche est structurée à travers un simple principe : de quoi a ton besoin pour produire quoi et dans quels délais ? Plusieurs notes sur ce point :

  • Chaque action a besoin d’une ou plusieurs informations d’entrées et en retour génère une ou plusieurs informations. Cela peut rappeler les équations stœchiométriques de chimie organique.
4. Transformation des informations par des actions
  • Chacune de ces actions pourrait être désossée en “sous-actions” qui, selon une forme de fractale, pourraient elles-mêmes être décomposées en “sous process”. On parle là de résolution du process. Plus la résolution est fine et plus le process dictera un “comment”. Trop détailler une action risque de l’imposer, de la rigidifier et de rendre l’acteur esclave du process. C’est la différence entre procédure et process. La première est souvent dictée tandis que l’autre émerge de l’activité. Dans ce sens, il est important de laisser les futurs acteurs définir et s’accorder sur la méthode et les améliorations qu’ils jugent le plus appropriées.Le temps de traitement observé et/ou ciblé pour effectuer l’action est clef. C’est la dimension qui permettra de définir le type d’acteur le plus adapté à la réalisation de cette tâche.
5. Sous-process

La notion de délai de traitement de la tâche est importante, car la performance globale d’une organisation est corrélée à un temps de réaction qualitatif à des stimuli externes. En d’autres termes, “elle doit réagir rapidement et efficacement quand il arrive quelquechose”. Le challenge est de trouver un bon équilibre entre réactivité et qualité des comportements.

3. AUTOMATE VERSUS HUMAIN

La troisième partie se focalisera sur le type d’acteur. Aujourd’hui, la balance est de savoir si cet acteur est logiciel et/ou humain. Le premier offrira des traitements plus courts tandis que le second des traitements plus qualitatifs.

L’utilisation d’acteur logiciel permettra d’automatiser les process et permettra d’accélérer ce temps de réaction. On fait parfois le raccourci trop rapide entre machine et économie de masse salariale. C’est comme tout, cela dépend du contexte. Une réponse souvent rapide peut être corrélée à une réponse peu qualifiée. Par exemple, une trop forte automatisation des relations clients peut porter à défaut. Des réponses rapides non qualifiées risquent de frustrer le client en leur donnant des réponses non adaptées à leur demande. Des délais plus longs qu’anticipés, mais qualifiés permettront de plus facilement de le fidéliser. C’est le risque d’une organisation surautomatisée, d’où la nécessité d’utiliser le 2nd type d’acteur : un humain.

6. Les types d’acteurs

La cognition humaine est d’apparence plus lente que celle d’une machine mais sa valeur ajoutée en termes d’empathie, d’affect, de contraste, de dimension et de créativité est sans égal. C’est la partie “qualitative” nécessaire à la performance de l’organisation. Quelques notes.

  • Aujourd’hui, la tendance vise à automatiser les tâches dites de “bas niveau”, souvent sur les process administratifs, et de concentrer l’intellect des collaborateurs sur des tâches à fortes valeurs ajoutées comme l’optimisation, l’innovation, la R&D, etc. Tout dépend de la philosophie, la vision et le modèle économique à travers lesquels l’organisation à été construite et souhaite se développer. La finesse des savoir-faire et des savoir-être est ce qui donnera de la valeur à une organisation, la machine permettra de s’y consacrer à 100%.
  • Cet équilibre entre homme et machine sera au cœur des deux dimensions d’une architecture SI : le système d’information pour fluidifier les échanges entre acteurs humains et le système informatique pour accélérer et amplifier le système d’information par la donnée, l’ergonomie et l’automatisation. Un bon design de process fait souvent office de cahier des charges fonctionnelles pour le développement d’application interne, le métier ou la mise en place de scénarii d’automation de type zapier ou integromat.

4. L’HUMAIN AU COEUR DU DEVELOPPEMENT

C’est au 4e niveau que l’intégralité de la dimension humaine entre en jeu. Ces ensembles de process servent de fondations pour identifier et surtout faire comprendre les besoins en termes d’expertises techniques. En d’autres termes, ces process permettent la rédaction de fiches de postes ou l’animation des programmes d’accompagnements des talents pour assurer leurs montées en compétences. C’est l’ingéniosité derrière les profils choisis qui aideront à spécifier les “comment” identifiés à l’étape 2 et l’optimisation des process mentionnés en étape 3.

La résultante de cette étape est ce qu’on appelle un “gradient des expertises”. Par exemple, si une action est à cheval entre des thématiques de communications opérationnelles et de structuration juridique, alors l’acteur en charge de ce corps d’action devra comprendre les deux expertises afin de s’assurer que l’information soit correctement, traduite, transmise et surtout comprise des deux côtés. Ce gradient permettra de s’assurer de la présence des “liants” nécessaires à la fluidification des flux d’informations. Vous avez là l’indispensable échiquier des profils spécialistes et transverses. En résumé, si tout le monde est spécialiste, personne ne se comprend.

7. le gradient des expertises

La co-construction d’une carte de process avec les acteurs de l’entreprise lui confère une nouvelle dimension. Elle devient dès lors un outil d’engagement des individus dans le projet collectif. Chacun voit et comprend sa place dans la fine horlogerie qu’est la société. Chacun peut où il veut aller et donc permettre aux Ressources humaines de mieux les accompagner dans le parcours le plus optimisé, en les faisant évoluer sur des postes intermédiaires par exemple pour acquérir d’éventuelles compétences manquantes. Même si une organisation est centrée sur l’information, elle est opérée par les Humains et leur engagement est primordial pour la réussite de l’entreprise. La cartographie de process devient un socle pédagogique et visuel pour orienter et structurer la société autour de l’humain.

5. LE MANAGEMENT DES ORGANISATIONS

Et enfin la dernière partie celle souvent la plus compliquée à mettre en place et à dimensionner. Corrélée à la taille d’entreprise, elle consiste à cartographier les modes de gouvernances nécessaires à la coordination et l’amélioration des corps fonctionnels vers l’objectif commun. C’est une couche qui se superpose aux process. Sauf si le manager à une mission de validation, il n’apparait souvent que très peu dans les process en eux-mêmes, mais beaucoup dans cette couche fantôme indispensable. On parle ici des circuits et de modalités de pilotage et de décision au cœur du management des organisations. Plus l’entreprise sera grande et complexe, plus une attention particulière devra être portée sur cette architecture de gouvernance. Il faut qu’elle soit assez détaillée pour permettre une coordination optimale entre les différents corps fonctionnels sans être trop complexe pour éviter des circuits de décision trop alambiquée qui ralentiront le métabolisme de l’organisation, donc son temps de réaction et donc son adaptabilité.

8. couches de gouvernance.

UN RÉFÉRENTIEL POUR TOUTES DÉMARCHE D’OPTIMISATION ET D’AMÉLIORATION CONTINUE

Au final, même si le côté « business process management » a un côté « vieille école », réalisé avec une vision contemporaine des organisations, une cartographie des process peut se révéler être un référentiel optimisé pour penser et armer la stratégie de développement d’une organisation apprenante.

Guillaume Dechambenoit.

Formé en biotechnologie puis en neurosciences cognitives et comportementales, de l’art chorégraphique à la pédagogie, j’ai passé les 12 dernières années à explorer et à faire le lien entre différents domaines d’expertise. Mon travail consiste désormais à étudier, concevoir et développer des organisations, des services et des produits pour leur permettre d’imaginer les solutions au coeur de demain.

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Guillaume Dechambenoit

Thinker, designer and consultant specialized in applied cognitive science, art and technology. Consultant @ Kanyon Consulting